Un coeur tranquille et sage

Dernièrement, alors que je regardais les rayons de ma bibliothèque, entre les classiques français et les moins classiques, à savoir Stephen King, Guillaume Musso, Maxime Chattam, j’ai aperçu un livre et ça m’a fait un pincement au cœur.

Ce livre, c’est une femme qui fut importante à une époque qui me l’avait offert, le jour de mes vingt ans.  Une femme douce et tellement calme. Le titre m’en avait paru un peu niais et j’avoue, je l’avais posé dans un coin, jamais lu. Pour autant, même après  cinq ou six déménagements, il ne m’a jamais quittée.

Vingt années posé sur une étagère, vingt années à contempler ma vie, à la voir se dérouler sous ses pages fermées et jaunies.

Quand je l’ai aperçu, quelques larmes me sont montées aux yeux et j’ai ressenti son livre comme un appel. Je l’ai ouvert et rapidement lu. IL s’agit de « Va où ton cœur te porte » de Susanna Tamaro.

va où ton coeur te porte

Ce titre, je me souviens à l’ouverture du paquet, il m’avait presque fait rire. Préjugés de la jeunesse plus bercée par des enquêtes et thrillers à la vingtaine que par des romans que j’imaginais à l’eau de rose. J’ai poliment remercié, sachant que je ne l’ouvrirai pas au-delà de la page 10, juste histoire de connaître le début, au cas où…

Mais elle me l’avait offert avec le cœur et ça, j’étais trop jeune pour comprendre, lire entre ses lignes. Trop immature, trop rebelle peut-être encore. Le titre était évocateur pourtant…

Il s’agit d’un journal, une sorte de testament sous forme de courriers qui ne seront jamais envoyés par une grand-mère à sa petite-fille qu’elle a élevée suite au décès de sa fille et qui est partie vivre un an aux États-Unis après une difficile crise d’adolescence.

La grand-mère va bientôt mourir, elle se sait condamnée et que le temps lui est compté. Sa maladie évolue vite. Elle laissera alors ces lettres en évidence pour que celle qu’elle aime et avec qui la communication s’est rompue les lisent et comprennent sa vie, ses choix et le pourquoi de sa philosophie de vie, développée au fil de ses années, ses tourments, ses secrets.

Au fil des pages, on découvre une femme tourmentée, enfermée dans un destin qu’elle n’a pas toujours maîtrisé, une passion perdue, des convenances trop lourdes à porter. Et on devine la peine, le mal-être et le besoin, pour vivre ou survivre, de se trouver une voie, un chemin, une force.  Mais avant tout, un instinct : celui de suivre son cœur, quoi qu’il arrive.

C’est le message qu’elle laissera à cette petite fille aimée. Comme l’héritage d’une vie trop lourde à porter et qu’elle ne souhaite pas transmettre à l’identique à celle à qui elle a tout donné.

Elle va lui distiller, page après page, un message l’incitant à vivre à fond, à ne pas renoncer, à ne pas regretter. De suivre son instinct, son chemin.  De vivre, tout simplement. Pour ne pas avoir de regrets d’avoir laissé passer des routes, de n’avoir pas dit ce qu’elle portait en elle.

« Je sais désormais que les morts pèsent moins par leur absence que par ce qui – entre eux et nous – n’a pas été dit. »

« De même, les souvenirs tristes sommeillent longtemps dans l’une des innombrables cavernes de la mémoire ; ils y restent parfois des années, des décennies, toute une vie. Puis, un beau jour, ils reviennent à la surface, la douleur qui les avait accompagnés est de nouveau présente, aussi intense et cuisante que le premier jour, bien des années auparavant. »

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Ce livre m’a émue. Il a touché des points sensibles. Un peu comme un « Petit Prince » qu’on ne peut comprendre enfant mais qui bouleverse adulte, je l’ai lu en me disant qu’il était sur cette étagère comme un symbole aujourd’hui,  vingt années presque jour pour jour après son don.

Elle était douce, calme et discrète. Pas dénuée de caractère, loin de là, mais discrète et difficile parfois à entrevoir. Elle aimait rire, mais du bout des lèvres. Elle aimait dire des gentillesses, mais filait dans une autre pièce bien vite,  après coup. Elle était pudique mais m’a laissé, le jour de mes 20 ans, un message qui lui aura survécu, elle qui nous a quittés il y a quelques semaines.

Elle tenait une place bien décriée, celle de la femme que beaucoup détestent : la « belle-mère ». Et elle m’a laissé ces quelques mots au-delà de sa présence.

Je n’avais pas compris, j’étais jeune, j’étais bête. Mais aujourd’hui, la maturité m’a permis de ne pas passer encore une fois à côté de son message et de la tendresse dont elle a fait preuve en m’offrant ce livre-là.

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Je lui dédie ce texte. On l’appelait Lulu et elle a parcouru 7 ans de vie près de moi.

J’avais envie de lui dire merci à travers ces quelques lignes.

Signature Miss Plume

 

Publié le 13 Mai 2016, dans Les lectures, Mes regrets aussi .., et tagué , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. 6 Commentaires.

  1. J’ai les larmes aux yeux de lire ces billets… très attachée à ce genre de gestes de personnes qui comptent et disparues, mais qui laissent du coup leurs traces, avec ce genre de symbole. Et je suis contente que tu aies pu le lire, il n’est jamais trop tard, ça veut dire qu’il y a un cheminement dans notre tête ❤ Et c'est un très bel hommage que tu lui rends. Pensées et bisous

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  2. Un texte bouleversant rendant hommage à ce livre, ce cadeau précieux, ainsi qu’à cette femme appelée « la belle-mère » qui prend là toute une autre place dans ta vie, qui entre un peu dans une belle lumière. Merci de partager ça avec nous – et aussi, merci pour la référence littéraire, c’est un livre que j’ajoute aux lectures à venir 🙂

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